Il y a une année, lors de la campagne de crowdfunding de Printeurs, je proposais une contrepartie originale : Un e-book personnalisé de Printeurs, dédicacé par l’auteur et horodaté sur Bitcoin. En gros, je proposais une sorte de NFT sur Bitcoin pour l’e-book Printeurs, je vais donc revenir sur cette aventure. Qu’est-ce qu’un NFT selon moi Un NFT (Non Fungible Token) est un « marqueur cryptographique spécifique » que l’on peut ajouter à une blockchain publique comme Bitcoin. Les NFT ont été popularisés sur Ethereum mais ils existent depuis le bloc genesis de Bitcoin (c’est un cas très spécial), puis lors de la première transaction Bitcoin entre Satoshi Nakamoto et Hal Finney, il s’agit d’un marqueur, signé par Satoshi, validé et horodaté par Bitcoin, d’un
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Il y a une année, lors de la campagne de crowdfunding de Printeurs, je proposais une contrepartie originale : Un e-book personnalisé de Printeurs, dédicacé par l’auteur et horodaté sur Bitcoin. En gros, je proposais une sorte de NFT sur Bitcoin pour l’e-book Printeurs, je vais donc revenir sur cette aventure.
Qu’est-ce qu’un NFT selon moi
Un NFT (Non Fungible Token) est un « marqueur cryptographique spécifique » que l’on peut ajouter à une blockchain publique comme Bitcoin. Les NFT ont été popularisés sur Ethereum mais ils existent depuis le bloc genesis de Bitcoin (c’est un cas très spécial), puis lors de la première transaction Bitcoin entre Satoshi Nakamoto et Hal Finney, il s’agit d’un marqueur, signé par Satoshi, validé et horodaté par Bitcoin, d’un moment historique documenté. Les NFT sont les preuves cryptographiques d’événements historiques gravés pour l’éternité dans une blockchain. On va me reprocher une vision très large du NFT, mais je pense qu’il serait dommage d’avoir une vision trop étriquée de cet objet numérique.
Pour émettre un NFT, il faut donc écrire dans une blockchain et il n’y a que deux manières de le faire :
- Les mineurs sont les seuls habilités à écrire sur la blockchain. Ils peuvent donc, en choisissant les transactions du bloc, inscrire volontairement un événement dans la blockchain. Des blocs eux-mêmes peuvent être historiques, notamment ceux des halvings sont particulièrement recherchés. Posséder la preuve que l’on a miné tel bloc est un NFT qui fait l’objet d’une réelle compétition.
- Faire une transaction qui établit une preuve cryptographique d’un événement historique documenté.
La première manière de faire un NFT est très spécifique et complexe, quasiment inexistante, la seconde est bien plus accessible et flexible. C’est de cette méthode que l’on va parler ici.
Certains vont me rétorquer : alors toutes les transactions sont des NFT, c’est nul ta définition. Ma réponse est que toute transaction est un NFT potentiel, mais seules les transactions historiquement documentées ET cryptographiquement démontrables en sont.
Ma définition du NFT peut donc se résumer de la manière suivante :
Un NFT est un événement historique documenté et démontrable à l’aide de la cryptographie, inscrit et horodaté sur une blockchain.
L’histoire documentée et le facteur humain au cœur des NFT
Lorsque je parle du protocole et de la blockchain Bitcoin, j’explique que c’est une machine incontrôlable, inarrêtable. Le fonctionnement et le traitement des transactions est mécanique et irrémédiable. Toutes les dix minutes en moyenne, un nouveau bloc est diffusé sur le réseau. Bitcoin est le cœur mécanique d’Internet. Lorsque l’on essaye de lire la blockchain, tout est incompréhensible pour l’humain, des séries de chiffres et de lettres. Même assistés par des programmes informatiques, des morceaux entiers restent incompréhensibles, c’est l’effet recherché de la cryptographie.
Mais parfois, il y a de la documentation qui permet de découvrir ce qui se cache derrière certains secrets. Des avis de décès, des affaires criminelles, des trésors apparaissent dans le brouillard du chiffrage. Ce sont les NFT de ma définition, c’est ce qui rend ces traces différentes de toutes les autres et qui leur donne leur valeur.
« Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent, et tous les hommes se ressemblent. Je m’ennuie donc un peu. Mais si tu m’apprivoises, ma vie sera comme ensoleillée. Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres. Les autres pas me font rentrer sous terre. Le tien m’appellera hors du terrier, comme une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien. Et ça, c’est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d’or. Alors ce sera merveilleux quand tu m’auras apprivoisé ! Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j’aimerai le bruit du vent dans le blé… » – Le Petit Prince, Saint-Exupéry
Cela me fait également penser à cet extrait du Manifeste d’un cypherpunk :
« La vie privée est nécessaire pour une société ouverte dans l’ère électronique. La vie privée n’est pas un secret. Une affaire privée est ce qu’un individu ne veut pas que le monde entier sache, mais une affaire secrète est ce qu’un individu ne veut que quiconque sache. La vie privée est le pouvoir de se révéler sélectivement au monde. » – Manifeste d’un cypherpunk, Eric Hughes
Le NFT serait à la frontière de l’apprivoisement du renard du Petit Prince, l’art de donner de la valeur en créant des liens, et du cadeau de révéler au monde sélectivement sa vie privée, le tout gravé dans le marbre numérique.
Comme historien, éditeur et bitcoiner, je suis très sensible au sens de tout ça. Je vois tout le potentiel artistique et humain que les NFT rendent possible, même si j’ai l’impression que ce sont les dérives qui prennent le plus de place.
Mais je connais surtout les vertus de l’oubli, la sélection naturelle de l’information. Petit à petit, les choses tombent dans l’oubli, l’humanité arrête de se remémorer certains événements ou de copier certaines informations. Les personnes meurent, le papier brûle, les disques durs crashent, et les formats informatiques changent puis tombent dans l’oubli ou simplement les informations sont conservées, mais sont noyées sous un flux incessant de nouvelles données. La rapidité des évolutions techniques et la frénésie spéculative dans un marché très volatil nous font oublier les effets du temps. Que restera-t-il des précurseurs des cryptos dans 20, 50 ou 100 ans ?
Les fonctionnalités et la normalisation des NFT
J’entends certains grincheux râler dans le fond : « C’est quoi que tu as pris ? C’est pas ça des NFT ! C’est des trucs qui peuvent se vendre, s’acheter et qui sont liés à une œuvre numérique. Tu pars complètement dans des délires philosophiques alors que le NFT, c’est quelque chose de concret et on sait ce que c’est. » Calme toi petit padawan, le colère mène vers le côté obscur.
Je pense qu’il est essentiel de prendre la hauteur et embrasser toute la diversité des NFT dans leur sens le plus large pour comprendre à quoi cela peut servir. Le NFT, c’est l’ancrage de la réalité humaine dans la timechain. Posez-vous cette question : combien seriez-vous prêt à payer pour recevoir une transaction symbolique de Satoshi et de pouvoir le prouver et vous en vanter au monde entier ? Même si ce n’est ni une œuvre… Et même si ce privilège n’est pas transmissible… Est-ce que ça n’a pas un goût de NFT ? Après on peut imaginer mille manières d’utiliser cet outil, y ajouter des fonctionnalités ou le faire rentrer dans un format :
- Créer des formats standards de NFT ou bricoler sa propre manière de laisser une trace
- Utiliser les possibilités de smart contracts pour interagir avec les protocoles cryptographiques (soit directement sur une blockchain, mais aussi offchain avec des protocoles de surcouche comme RGB)
- Ancrer des informations humainement lisibles dans la blockchain ou non
D’ailleurs, un NFT n’est jamais déplacé, il reste toujours où on l’a mis dans la blockchain, c’est une information dans une base de données immuable. Si un format prévoit la possibilité de céder un NFT, il y a création d’une nouvelle trace sur la blockchain, un nouveau NFT vient poursuivre l’histoire du précédent, le plus récent faisant foi pour déterminer le propriétaire.
Désolé Gilles, ta société Woleet met en place un format standard de NFT sur Bitcoin. Ce n’est pas un format qui intègre certaines fonctionnalités qui permettent la spéculation, mais techniquement prouver que quelqu’un a signé un contrat sur Woleet et prouver qu’on possède un CryptoPunk sur Ethereum, c’est exactement le même procédé : on fournit un document (externe à la blockchain), on prouve qu’il a été signé par quelqu’un à telle date à l’aide de la blockchain partagée.
Comme on l’a vu, Satoshi et les premiers Bitcoiners ont créé des NFT sans s’en rendre compte (d’ailleurs je pense que ça leur donne une saveur bien particulière). Mais rapidement, le potentiel des NFT a été pris en considération et la première norme a été proposée par Namecoin en 2010 avec le soutien de Satoshi. Ce dernier existe toujours et il représente le premier marché standardisé.
Ensuite, il y a eu Nxt avec les alias dès décembre 2013. En août 2014, une boutique décentralisée permettait de vendre des œuvres numériques sur Nxt. Les ventes de poèmes, de musique et dessins sont immortalisés dans la blockchain, j’ai été parmi les pionniers dès octobre 2014 de la création liée à la blockchain en vendant une version numérique, traduite en anglais spécialement pour l’occasion, de mon œuvre Romance érotique. PVH éditions a été la première maison d’édition à vendre ses livres sur une telle boutique. Les acheteurs ont la preuve sur blockchain d’avoir participé à ces débuts. Je pense même avoir été l’un des premiers à lier volontairement un NFT à une création physique, en intégrant un alias de Nxt dans le livre Snapshot (photo d’illustration de l’article), vendu en décembre 2015, créé en novembre 2016. Personne n’est réellement au courant, seuls quelques original gangsters gardent un souvenir vague de tout ça, ces histoires disparaîtront sans doute en même temps que moi. Il en sera ainsi de la plupart des NFT, ainsi va la vie.
Même s’ils n’en portent pas le nom, toutes sortes de nouveaux formats ont enrichi les possibilités de NFT sur différentes plateformes entre 2014 et 2017 : Nxt, Counterparty, puis Ethereum pour citer les plateformes qui me semblent les plus représentatives.
Je pense que les NFT ont connu leur premier réel succès avec RarePepe, lancé en septembre 2016 sur Counterparty en surcouche de Bitcoin. L’innovation réside surtout dans la proposition d’une collection et d’une véritable création dédiée aux NFT. Les cryptokitties d’Ethereum ont apporté un aspect ludique à leurs NFT, tout en inaugurant une création procédurale.
Si vous voulez en savoir plus sur l’histoire des NFT, je vous propose de découvrir l’article sur l’histoire des NFT par ffmad. Il a oublié Nxt, mais je l’aime quand même. Mais ce qu’il faut savoir, c’est qu’il y a un vrai boum dans le domaine, pour exemple des prix sur les marchés NFT qui flambent (de manière irrationnelle à mon sens) ou l’apparition de nouveaux acteurs comme Sorare qui lève 680 millions de $ en s’attaquant au marché des cartes de foot.
A quoi peuvent bien servir les NFT ?
Je pense que le NFT, dans le sens large que je lui donne, a toutes sortes d’utilités et prendra des formes multiples selon les cas d’usage. L’horodatage et l’immuabilité est au cœur du principe technique des NFT, mais contrairement à un jeton natif comme le satoshi, il a besoin de documentation extérieure pour le légitimer. La signature d’un contrat chez Woleet n’a pas de valeur si l’on ne conserve pas le fichier du contrat par ailleurs. Un NFT lambda sur Ethereum n’a pas la moindre valeur si le fichier associé est perdu. Conserver des jetons fongibles ne demande aucun effort pour que leur existence ait une valeur, il en va différemment pour les NFT qui nécessitent un effort constant pour rappeler son souvenir pour ne pas tomber dans l’oubli et perdre toute valeur.
Je pense qu’il y a des applications industrielles, administratives et commerciales de NFT simples, ne nécessitant qu’un simple ancrage sur une blockchain. Je pense qu’il y a également un intérêt pour des usages liés aux loisirs, des jeux vidéos multijoueurs ou des réalités augmentées. Des NFT peuvent être à usage unique qui peuvent être rapidement oubliés.
Au niveau de la création et de l’art, je pense que la frénésie actuelle et la spéculation perdent réellement tout sens des réalités. A mes yeux, le NFT est avant tout un goody, une dédicace de l’auteur pour remercier un mécène. Je n’ai rien contre la revente, mais il faut partir du principe que ce n’est qu’accessoire. Des nouveaux NFT artistiques viendront toujours plus nombreux sur le marché, les nouveautés chassant les plus anciens. Si quelques perles prendront de la valeur avec le temps, la règle générale est que les œuvres tombent peu à peu dans l’oubli.
D’ailleurs, je trouve intéressant de réfléchir à ce que signifie le NFT dans une logique de partage. Un possesseur de NFT a tout à gagner à ce que l’oeuvre se diffuse, soit appréciée, copiée, recopiée et exposée. En soutenant un artiste et par la marque d’honneur que représente le NFT, un mécène est gagnant à ce que sa création ne tombe pas dans l’oubli et que l’œuvre devienne une référence. Je pense sincèrement que les NFT peuvent devenir les fondements financiers d’une création artistique libre.
Mais lorsque l’on veut faire honneur à ses mécènes, je pense qu’il est nécessaire de mettre les formes. L’exemple de P-Boy est vraiment le meilleur pour la vente de NFT de sa chapelle Sixtine. Pour ma part, je suis en pleine réflexion d’un format qui permettrait de financer la collection Ludomire dans le format print@home. Mais en attendant, je préfère opter pour des NFT fait à la main et roulé sous les aisselles et sur Bitcoin parce que je préfère signer sur le marbre numérique, plutôt que sur du caoutchouc ou des déjections.
Dans le prochain article, j’expliquerai quelques techniques pour faire des nft « maison » et je vous expliquerai dans le détail comment je m’y suis pris pour les e-books spéciaux de Printeurs.
Article publié originellement sur le blog « Les divagations de Ludomire »
A propos de l’auteur
Administrateur du Cercle du Coin, entrepreneur et éditeur, Lionel Jeannerat a notamment publié Objective Thune, essai satirique de Jacques Favier et Philippe Ratte, illustré par Pamina Calisti (PVH éditions).