Si j’ai choisi de traduire ce fil Twitter de Nic Carter, ce n’est pas que j’en partage toutes les conclusions, mais parce que j’ai toujours beaucoup de plaisir à assister au démontage en règle des excès de certains « maximalistes », à la dénonciation de leur suffisance, de leurs certitudes, de leur dogmatisme. Pour autant je me reconnais partiellement dans le portrait : je pense moi aussi que la « self custody » et la résistance à la censure sont au cœur du réacteur (rien de bien original dans cette conviction). Si le marché n’en veut pas, qu’on ne s’étonne pas que la SEC [1]tombe à bras raccourcis sur toutes les entreprises à portée de baffes. Ce qui se passe aujourd’hui aux Etats-Unis se passera peut-être demain en Europe, lorsque les
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Si j’ai choisi de traduire ce fil Twitter de Nic Carter, ce n’est pas que j’en partage toutes les conclusions, mais parce que j’ai toujours beaucoup de plaisir à assister au démontage en règle des excès de certains « maximalistes », à la dénonciation de leur suffisance, de leurs certitudes, de leur dogmatisme. Pour autant je me reconnais partiellement dans le portrait : je pense moi aussi que la « self custody » et la résistance à la censure sont au cœur du réacteur (rien de bien original dans cette conviction). Si le marché n’en veut pas, qu’on ne s’étonne pas que la SEC [1]tombe à bras raccourcis sur toutes les entreprises à portée de baffes. Ce qui se passe aujourd’hui aux Etats-Unis se passera peut-être demain en Europe, lorsque les grandes plateformes auront l’interdiction de lister Bitcoin parce qu’il n’est pas conforme aux normes en vigueur. Il est vain de s’en indigner ou de s’en réjouir, le protocole Bitcoin a précisément été conçu pour résister à ça, et tant pis pour l’adoption de masse... De toute façon je méprise les masses.
Si vous êtes un peu nouveau dans le domaine et que vous vous demandez pourquoi les Bitcoiners autoproclamés ont aujourd’hui applaudi les attaques de la SEC contre les deux sociétés Bitcoin les plus importantes de tous les temps – Coinbase et Binance – laissez-moi vous expliquer…
Il y a des « gens qui utilisent Bitcoin » appelés également des Bitcoiners (la grande majorité, des gens ordinaires) et il y a des gens qui ont transformé Bitcoin en un culte séculier. Appelez ce dernier groupe les « laser eyes » ou les « maxis », comme vous voulez, ils savent qui ils sont, nous savons qui ils sont. Il n’y a aucune incertitude à ce sujet – ce sont des gens pour qui Bitcoin n’est pas un simple outil mais un système de croyance, un mode de vie. (Ils aiment ergoter sur les mots mais ici tout le monde sait qui est qui.)
La grande majorité des adeptes de cette secte sont des nouveaux venus. Regardez leurs profils Twitter – pour la plupart créés en 2021 et 2022. Ce sont des retardataires, attirés par le rallye de 2021 et la promesse de richesses et de hausses sans fin, stimulés par des gourous à l’époque de Covid. Ils croyaient à des erreurs comme le modèle stock to flow. Ils étaient en outre séduits par l’idée que Bitcoin était non seulement solide financièrement, mais aussi moralement supérieur – infiniment supérieur aux shitcoins ou aux monnaies fiduciaires. En apportant votre dîme à Bitcoin chaque mois, vous pourriez provoquer une transformation financière vers un monde plus juste, et lorsque les monnaies fiduciaires et tout le reste s’effondreraient, vous seriez l’un des rares élus, un prince au milieu des ruines.
Alors pourquoi sont-ils exaltés par l’effacement possible de Coinbase et Binance, qui ont collectivement intégré 100 à 200 millions d’individus dans le monde à la crypto et, plus précisément, au bitcoin ? De facto, ce sont des crypto-banques globales qui ont rendu la possession de bitcoins facile et simple pour des dizaines, voire des centaines de millions en gens. Plus que quiconque, ces deux entreprises ont rendu possible l’adoption généralisée de Bitcoin. Pourquoi les yeux laser applaudiraient-ils les attaques du gouvernement contre eux ?
C’est simple. Les cultistes sont intellectuellement short en crypto, plus qu’ils ne sont financièrement long en Bitcoin. Pour la plupart, ils n’ont pas réellement d’avantage économique significatif dans Bitcoin. Depuis qu’ils ont rejoint en 2021/22, ils ont surtout perdu de l’argent en « stackant des sats ». Ils pensent qu’ils seront éventuellement récompensés pour leur piété, mais depuis qu’ils sont là, la quantité de biens réels qu’ils peuvent acheter avec leur trésor a plutôt diminué. Ils ne sont pas intéressés par l’adoption de Bitcoin ou l’augmentation de l’utilisation de Bitcoin dans le monde, car ce n’est pas pour cela qu’ils sont ici. Ils sont ici pour trouver une parenté sociale au sein d’un groupe de personnes qui prétendent vivre à la façon « Bitcoin ». Ils ne sont pas là pour faire des affaires.
Alors, qu’est-ce qui attire ces gens vers Bitcoin ? Simplement, le culte séculier. C’est un mode de vie pour les gens qui vivent en marge de la société – des gens qui seraient autrement des conspirateurs, des adulateurs de l’or, des libertaires radicaux, etc. En général, ils ne sont pas satisfaits du statu quo et trouvent pratique de blâmer les banquiers centraux et les taux d’intérêt , et au final « la culture fiat » pour tout ce qui ne va pas dans la société. Qu’il s’agisse des cycles financiers, de la dette, de la guerre ou de choses encore plus farfelues comme la culture, l’art, la nourriture ou la fertilité. Tout est la faute des dépenses publiques, de l’inflation et des effet pervers des monnaies fiduciaires sur la société. Ces gens croient qu’ils peuvent trouver une sorte de libération dans Bitcoin, surtout celle qui se fait au détriment de leur prochain, qui, selon eux, est condamné à une sorte d’enfer financier qui finira par purger le monde « fiat », à la manière de Sodome et Gomorrhe. La grande marée viendra et il ne restera que Bitcoin. David Gerard a un jour qualifié la religion des « laser eyes » de « culte de la mort apocalyptique », et il a en grande partie raison. Toute l’idéologie est fondée sur la fin des monnaies fiduciaires, la fin de la dégénérescence, de l’endettement excessif, du crédit, des largesses et de tous ses symptômes dans la société, et la reconstruction de la société autour d’une base monétaire plus honnête – après une période de destruction complète et d’anarchie, bien sûr.
Evidemment il y a un noyau de vérité dans tout ici, mais critiquer les dysfonctionnements du monde n’implique pas d’élaborer d’un culte séculier littéral autour de ces idées.
Le maximalisme ne « ressemble pas à une religion », c’en est littéralement une. Il en a tous les attributs : le récit de la genèse, la piété et le salut.
Il a sa doctrine d’absolution – tout péché, aussi odieux soit-il, est pardonné si vous vous repentez, abandonnez les shitcoins pour n’adopter que Bitcoin. Certains des gourous maximalistes les plus éminents ont des passés sinistres comme la promotion d’ICO. Mais le baptême Bitcoin pardonne tout.
Il a son mythe de la conception. Bitcoin a été créé d’une manière unique, parfaite et équitable, rien d’autre ne peut s’en approcher, et rien de tel ne pourra plus jamais exister. Seule la preuve de travail divine de Satoshi et l’absence de « prémine » peuvent favoriser une véritable monnaie-marchandise décentralisée et mondiale.
Il a ses textes religieux. L’écriture originale de Satoshi, le livre blanc, les messages du forum et l’exégèse ultérieure – le standard Bitcoin et bien d’autres.
Il y a des rituels culturels spécifiques : manger de la viande, tirer avec des fusils, promouvoir la masculinité, la hiérarchie, la famille nucléaire, mépriser le progressisme et le féminisme, et approuver une sorte d’ascétisme et de privation.
Il a sa dîme – « stackez vos sats » toutes les deux semaines avec votre paye et même si vous perdez de l’argent (ce que les Bitcoiners arrivés en 2021 ont généralement fait), vous faites toujours le bien, car cela profite à l’église Bitcoin. (Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, le « bitcoinisme » n’est pas comparable à « l’évangile de la prospérité » du christianisme. En fait, c’est le contraire. C’est plutôt l’équivalent financier du jeûne religieux). C’est aussi pourquoi ils s’appellent eux-mêmes « plebs » – comme un moyen de revendiquer une parenté avec le « petit gars » de la classe ouvrière. Encore une fois, rappelez-vous que ce sont des retardataires. Si vous manquez de compétences ou de moyens pour contribuer à l’industrie ou en tirer de l’argent, la meilleure chose à faire est prétendre à une sorte de classe ouvrière, de vertu honnête, en vous qualifiant de plèbe et en vous élevant ainsi moralement au-dessus des élites opportunistes impures s’accaparant l’argent).
Il y a son eschatologie – l’apocalypse « fiat » / l’hyperinflation / la grande bulle de la dette qui arrive et qui n’épargnera aucun actif financier, à l’exception de l’Élu. Après la catastrophe, les Bitcoiners hériteront de la terre, et la poignée de sats contenue dans votre portefeuille aujourd’hui vous permettra d’acheter des quartiers entiers à l’avenir. Aujourd’hui roturier, demain vous serez un baron.
Il a ses rituels : le pèlerinage au Salvador pour faire un paiement Lightning chez McDonalds, étouffer dans la chaleur à Bitcoin Miami pour voir vos gourous débiter des platitudes sur scène, payer un influenceur Twitter 500 $ pour un steak cartilagineux, écouter les mêmes podcasts qui accueillent les même invités semaine après semaine. « Troller » les nocoiners et les shitcoiners sur Twitter. Raconter la façon dont vous avez « trouvé Bitcoin » et comment cela vous a donné une structure et un but après votre divorce. Recruter de nouveaux adhérents au culte.
Alors, qu’est-ce que cela a à voir avec Binance et Coinbase ? Eh bien, même si ces entreprises ont fait plus pour l’adoption et l’accessibilité de Bitcoin que littéralement n’importe quelle autre entreprise dans l’histoire de l’industrie, elles sont impures, car elles ont proposé d’autres actifs. Elles ont construit ce que les gens voulaient, et c’étaient aussi des outils et des applications qu’on ne trouve pas sur Bitcoin. Les yeux laser harcèlent les premiers tweets de Brian Armstrong qui voulaient alors se concentrer sur Bitcoin, avant qu’il n’apprenne du marché que pour survivre, il devait construire ce que les gens voulaient réellement et pas ce qu’une petite minorité de fanatiques voulait. (C’est pourquoi vous ne trouverez des maxis à la tête de grandes entreprises, car être entrepreneur, c’est être contraint d’accepter les réalités du marché, plutôt que d’essayer d’imposer par la force sa vision de monde.)
Binance et Coinbase ont peut-être pris des décisions douteuses sur certains produits (et pour être clair, ce sont des entreprises très différentes, avec des stratégies réglementaires et des appétits pour le risque différents, donc je n’affirme pas qu’elles sont similaires à cet égard), mais elles ont fourni les outils permettant à Bitcoin de pousser l’adoption mondiale d’une façon inédite.
Mais les yeux laser voient le monde à travers le prisme du sacré et du profane. Ils ne se concentrent pas sur le succès de Bitcoin. Ils préféreraient vivre dans un monde de pureté dans lequel Bitcoin, marginal, reste dans sa niche (mais dans lequel tous les projets concurrents ont échoué), plutôt qu’un monde déchu dans lequel Bitcoin est beaucoup plus grand, mais où d’autres blockchains ont survécu et prospéré. Vivre une telle situation reviendrait à admettre que Bitcoin n’était pas spécial ou particulièrement bon ou moral, mais qu’il s’agit simplement un outil parmi d’autres, dont certains plus performants et plus adaptatifs. Si ce monde advenait, les Bitcoiners devraient accepter que leur Dieu n’en était pas un, que leur foi était mal placée, que l’avenir projeté ne se produirait pas et ne se produirait jamais. La situation serait la même si l’apocalypse « fiat » arrivait, mais que les Bitcoiners n’étaient les seuls sauvés.
Imaginez un chrétien se rendant à la porte du ciel et réalisant que son Dieu n’était pas Dieu, mais plutôt Allah, ou Krishna, ou Zeus, ou Thor. Où imaginez que, sur les escaliers célestes menant aux portes saintes, il trouve à ses côtés des pécheurs et des païens et qu’il réalise alors que Bitcoin n’avait rien de particulier, de moral, de pur ou de sacré et que le monde se moque de l’immaculée conception.
Dans le second monde, celui dans lequel Bitcoin a continué à prospérer, mais où d’autres « cryptos » ont fait de même, voire l’ont dépassé, les yeux laser devraient admettre qu’ils n’ont pas été particulièrement perspicaces, que les révélations qu’ils avaient eues n’étaient que des ombres et des illusions, que leurs gourous étaient de faux prophètes. Cette crise de foi – s’intensifiant chaque jour face à la simple réalité matérielle – serait bien douloureuse à supporter […].
Ainsi, même si Binance et Coinbase ont fait quelque chose d’immensément bon pour Bitcoin, et ont sûrement ajouté des dizaines ou des centaines de milliards à sa capitalisation boursière grâce aux outils qu’ils ont construits pour le soutenir, ils ne l’ont pas fait de manière pure. Ces entreprises ont péché en construisant une technologie pour d’autres « cryptos ». En permettant également à ETH, SOL et XRP de prospérer aux côtés de Bitcoin.
Elles ont péché en ne suivant pas à tout prix la sainte vertu de la « self-custody » (en dépit, bien sûr, du fait que le marché n’en voulait pas).
Elles ont péché en ne donnant pas la priorité à la solution de mise à l’échelle ordonnée de la vérité sous la forme du Lightning Network, mais en construisant d’abord d’autres produits (que leurs utilisateurs voulaient).
Elles ont péché en créant (prétendument, dans l’esprit malade des maxis) du Bitcoin « papier » à partir de rien, faisant ainsi baisser à tort le prix du Bitcoin avec une dilution qui n’existerait pas autrement. (Il s’agit du mythe classique du goldbug dont les Bitcoiners ont hérité).
Mais surtout, elles ont péché en étant polythéistes dans un monde monothéiste. Et pour cela, elles méritent d’être détruites. Même si Binance exploite la plus grande rampe d’accès p2p vers Bitcoin (les yeux laser ne se soucient pas des données ou des faits). Même si Coinbase s’est battu pour Bitcoin contre les régulateurs américains pendant plus d’une décennie. Même si ces deux entreprises détiennent plus de bitcoins pour les utilisateurs finaux que quiconque. Cela n’a pas d’importance. Elles sont impures, et les Bitcoiners « laser eyes » ne sont pas là pour le profit ou l’adoption. Ils sont là pour se sentir moralement supérieurs, pour aplatir les shitcoiners. Ils n’essaient pas de réformer le système existant ou d’accepter des demi-mesures comme la « third party custody », même si elles sont hautement crédibles. Ils ne sont pas là pour des distractions comme la DeFi ou le Web3. Ils sont là pour mettre en scène une révolution monétaire imaginaire, principalement sur Twitter.
C’est pourquoi la réaction des yeux laser lorsque le gouvernement américain a attaqué des entreprises solides comme Coinbase ou Binance est si révélatrice. Les maxis ne se soucient pas des progrès réels ou des victoires clés pour le secteur. Ils ne se soucient pas des 100 millions d’individus qui utilisent les services de ces entreprises pour conserver leurs pièces. Ils ne se soucient pas de l’adoption. Ils ne se soucient même pas de l’appréciation des prix (rappelez-vous, leur désir d’appartenir au groupe dépasse de loin leur motivation économique). Ils se soucient d’être purs, en adhérant aux codes de conduite imaginaires établis par leurs gourous. Même s’ils méprisent ostensiblement l’usage du pouvoir de l’État, ils sont plus qu’heureux de l’exercer contre leurs ennemis si ça leur permet d’atteindre les objectifs de leur révolution. Ils ne se soucient que de chérir le sacré et de détruire le profane.
Comme tous les cultes laïcs, le culte maximaliste est né d’une perte de sens dans la société moderne. Ces personnes sont pour la plupart des parias qui croient que la société est dans un état de déchéance et qu’elle doit être restaurée par une révolution monétaire. Les gens heureux et équilibrés ne passent pas leurs journées à imaginer la façon dont Jerome Powell complote spécifiquement contre eux. Leur recherche de sens m’est sympathique, mais malheureusement, comme pour de nombreuses sectes laïques, leur quête s’est détraquée. Comme des canetons croyant qu’un humain est leur mère, les yeux laser se sont bloqués sur une technologie et croient à tort que ce sera leur salut. Il n’en est rien. Bitcoin est un outil, un très bon outil, mais rien de plus. Ce n’est pas une culture et ce n’est pas un mode de vie.
Malheureusement, le culte maxi ne s’intéresse pas à l’adoption ou au succès de Bitcoin, mais simplement à son avancée d’une manière théologiquement acceptable. Leur culte est exclusif et compromet l’utilisation réelle de Bitcoin comme moyen de promouvoir la libération financière. Pour cette raison, il faut lui résister à tout prix. L’essor de Bitcoin en dépend.
Nic Carter
Source : https://twitter.com/nic__carter/status/1666294372537606145
[1] Securities and Exchange Commission, organisme fédéral américain de réglementation et de contrôle des marchés financiers.