Cet article explore des pistes de compréhension sur la façon dont une technologie de l’information comme Bitcoin changera les systèmes de solidarités et la société dans son ensemble, puis des ébauches de solutions pour gérer ces changements au mieux. De Durkheim à Rosa Émile Durkheim, dans son analyse des changements de société liés à l’industrialisation en Occident durant le XIXe siècle, distingue deux types de solidarités, celles dites mécaniques (société rurale) et les organiques (société urbaine). Dans la solidarité mécanique le parcours de vie de l’individu est quasiment exclusivement déterminé par la naissance. Il est question de reprendre l’exploitation familiale, faire acte de présence ou participer activement aux fêtes
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Cet article explore des pistes de compréhension sur la façon dont une technologie de l’information comme Bitcoin changera les systèmes de solidarités et la société dans son ensemble, puis des ébauches de solutions pour gérer ces changements au mieux.
De Durkheim à Rosa
Émile Durkheim, dans son analyse des changements de société liés à l’industrialisation en Occident durant le XIXe siècle, distingue deux types de solidarités, celles dites mécaniques (société rurale) et les organiques (société urbaine). Dans la solidarité mécanique le parcours de vie de l’individu est quasiment exclusivement déterminé par la naissance. Il est question de reprendre l’exploitation familiale, faire acte de présence ou participer activement aux fêtes locales, etc. La solidarité mécanique est collectiviste, religieuse et a recourt à une justice punitive [1], elle s’inscrit dans un environnement rural, la division des tâches y est faible (peu d’experts), les unités production sont de petite taille (la ferme familiale) et les changements radicaux sont peu présents (peu de « disruption »). C’est une machine bien huilée et réglée comme une horloge.
A contrario, la solidarité organique est plus dynamique et laisse plus de choix à l’individu, il est question de chercher un emploi et de potentiellement en changer régulièrement avec tout ce que cela implique d’évolution sociale positive ou négative. La solidarité organique est individualiste, laïque, elle a recours à des sanctions pénales, elle s’inscrit dans un environnement urbain, la division du travail y est forte (spécialisation, taylorisme), les unités de production y sont grandes (usines, grandes manufactures…) et les changements technologiques y sont fréquents (beaucoup d’innovations et de « disruption »…). Ce type de solidarité a cours dans les centres urbains européens en pleine industrialisation, c’est un écosystème complexe en perpétuelle mutation.
Ci-dessous un schéma représentatif des solidarités de Durkheim :
Selon Durkheim, c’est l’augmentation de la quantité (et densité) de population qui a augmenté la part des solidarités organiques par rapport aux solidarités mécaniques en Occident durant le XIXe siècle.
Remarque : A l’époque (fin XIXe) selon l’auteur la société rurale paysanne était perçue comme sclérosée et ne laissant que peu de marges de manœuvre à l’individu, tandis que la société urbaine en pleine industrialisation était perçue comme libre et pourvoyeuses d’émancipation pour l’individu. Ce n’est que vers les années 1930 que cette tendance s’est inversée, le film « Les temps modernes » de Charlie Chaplin illustre ce renversement de tendances.
Un équivalent actuel de ce type d’analyse pourrait être la distinction entre les « somewhere » et les « anywhere » [2,3]. Il est tentant faire des analogies et de comparer notre début de siècle à celui du XIXe, mais la révolution technologique actuelle est radicalement différente de celle du XIXe. En réalité les technologies du numérique sont aujourd’hui bien plus structurantes car elles touchent à l’information. Au XIXe la révolution était majoritairement énergétique.
De nos jours les choses sont plus floues qu’au temps de Durkheim. Internet permet aux campagnes d’avoir un accès à des services (culture, divertissement…) qui nécessitaient autrefois d’être en ville mais aussi d’émettre du contenu au niveau international (rap alternatif, urbex, tutoriel potager…), ce qui n’était pas possible avant l’essor du numérique. C’est en grande partie pour cela que nous ne vivons pas cette division de solidarité mécanique/organique comme au XIXe : le réseau internet discrimine moins la ruralité que l’industrialisation n’a pu le faire durant le XIXe.
Remarque : Les résultats de l’analyse de Jérôme Fourquet dans L’Archipel Français [4,5], même si elles ne mettent pas pleinement en avant les transformations liées au numérique, sont à la rigueur plus en phase avec cet effet décentralisateur et atomisant qu’a eu le numérique sur nos sociétés.
D’ailleurs, c’est Jean-Jacques Rosa, dès les années 2000, qui aborde ces thématiques dans « Le second XXe siècle ». Il oppose dans son œuvre technologies de l’information et technologies de l’énergie, décentralisation et centralisation. Au cours d’une rétrospective des évolutions techniques et des structures politiques en Occident du XIXe au XXe siècle, il explique pourquoi les technologies de l’information (imprimerie de Gutenberg, internet…) favorisent la décentralisation et les technologies de l’énergie (machine à vapeur, nucléaire…) favorisent la centralisation. Là encore, contrairement au XIXe qui avait centralisé les sociétés (centralisation du pouvoir, plus forte densité de population…), en ce début de XXIe siècle nous vivons l’inverse.
Les équivalents actuels en matière de changement de paradigme des solidarités mécaniques et organiques seraient plutôt entre les entreprises « classiques » (sociétés anonymes, salariat…) et les « projets numériques distribués » (open-source, DIY, makers, DAO…). Dont la cause n’est pas l’augmentation de la population mais des baisses de coûts d’acquisition et de fonctionnement du matériel numérique dont l’effet est une baisse de la nécessité de se regrouper pour produire ou avoir accès à des biens et des services.
Si ce changement de paradigme peut être analogue à celui décrit par Durkheim au XIXe, il existe des différences significatives lesquelles justifient une mise à jour de ce genre d’analyse. Par exemple l’absence de religiosité dans nos sociétés modernes si on compare aux siècles précédents, mais surtout que le droit et la régulation se font de plus en plus par la technique, comme le dit l’adage « le code (informatique) c’est la loi » (code is law).
En annexe 1 une adaptation plus détaillée des solidarités de Durkheim [1] mises à jours avec les enjeux actuels liés au numérique.
Mais concrètement qu’est-ce que cela annonce en matière de changement de paradigme pour la société de demain ?
Le numérique et l’avènement de la société de clés de chiffrement et d’auto-hébergement numérique
Une des conséquences du numérique est la capacité nouvelle des individus à émettre/recevoir/copier/traiter de l’information (texte, image, vidéo…) de manière virale est instantané. Dans ce monde l’inflation de l’information est telle que la valeur intrinsèque de l’information copiée et diffusée baisse drastiquement. A l’heure des plateformes de streaming ou du partage par torrent la valeur (marchande) du film est quasiment nulle contrairement à l’époque « pré-internet » où la valeur de la VHS, même d’occasion, n’était pas nulle.
La conséquence de cela est une baisse tendancielle de la taille des unités de production (entreprises, association…). Ci-dessous une courbe représentative de la baisse tendancielle de la taille des unités de production dont le but est plus d’illustrer le phénomène que de le calculer ou le prédire :
Dans la pratique ce déplacement de la taille des unités de production se fait lentement au fil des années, il est dur de trouver des statistiques fiables pour mesurer ce phénomène. Jean-jacques Rosa dans Le second XXème siècle s’est servi des registres des entreprises pour évaluer une tendance similaire à la fin du XXe siècle, or l’anonymisation que permet le chiffrement en plus du fait que l’auto-hébergement n’implique pas de s’enregistrer fait qu’il est dur de trouver des métriques fiables.
Remarque : Il a été choisi d’utiliser une distribution gaussienne, or il est tout à fait possible d’utiliser une distribution de poisson aux autres. En annexe 2 le script (simple) du tracé des courbes ainsi qu’une autre interprétation de l’évolution de la taille des entreprises, dans laquelle cette fois la quantité de grandes unités de production baisse mais augmente en taille (de moins en moins de groupes de plus en plus grands) et pour les petites unités de production la quantité des petites unités de production augmente mais baisse en taille (de plus en plus de groupes de moins en moins grands) avec une diminution des unités de production de taille « moyenne ».
La première vague de changement de société liée au numérique, a eu lieu des années 1980 à 2010 et l’enjeu majeur était lié à la capacité d’émettre/recevoir/copier/traiter de l’information plus rapidement, or la seconde vague de changement de 2010 à maintenant (2023) se porte plus sur le chiffrement et l’auto-hébergement.
Remarque : Si un institut tel que l’INSEE peut s’avérer critiquable sous bien des aspects [6-9], cependant il semble que cette tendance à la baisse de la taille des unités de production se soit bel est bien effectuée [10,11]. Si entre 2013 et 2022 la création d’entreprises et « d’établissements » a doublé [11] en revanche la démographie Française, elle, non [12], ainsi il y a bien eu une diminution de la taille des unités de production dans la décennie 2010-2020. Dans un autre style, le vidéaste Léo Grasset (DirtyBiology) a produit une vidéo sur le thème de la création d’État qui va également dans le sens d’une décentralisation facilitée par les outils numériques [13].
Un glossaire en fin d’article définit plus précisément de quoi il est question en matière de chiffrement et d’auto-hébergement.
Les technologies de chiffrement (tel que PGP) existaient bien avant Bitcoin, idem pour le concept d’auto-hébergement, en revanche jusqu’en 2010 ces technologies n’étaient que peu utilisées car demandaient un minimum d’implications techniques. Je rappelle que les 12 ou 24 mots d’une seed Bitcoin c’est techniquement du chiffrement, c’est juste que la manière de chiffrer « clé en main » (sans mauvais jeu de mots) est simplifiée pour monsieur tout le monde. Ainsi, Bitcoin a joué un grand rôle dans le concept d’auto-hébergement en le simplifiant puisque détenir ses 12 ou 24 (une simplification de la clé privée) c’est déjà du chiffrement et de l’auto-hébergement en soi. Si dans des systèmes distribués comparables tels que le Torrent (partage de contenu numérique) ou le chiffrement PGP, l’auto-hébergement était également présent, en revanche cela demandait de « mettre les mains dans cambouis ». D’autre part, le « plug and play » de dispositifs d’auto-hébergements tels que Umbrel [14,15] ou RunCitadel [16,17] sont aussi des manières d’auto-héberger des services numériques (NAS, VPN…) de manière simplifiée.
Bitcoin avec la preuve de travail et la décentralisation de son consensus a également permis de créer de la rareté numérique. Pour qu’il y ait plus de 21 000 000 de bitcoins il faudrait convaincre tous les détenteurs de nœuds (>16 000 en 2023) et tous les mineurs (une consommation énergétique de l’ordre des Pays-bas en 2023) d’accepter une action allant contre leur intérêt.
Chiffrer et auto-héberger ses avoirs dans un actif ayant un régime monétaire déflationniste est bien utile dans un système économique (le système fiat) dont un de but est de créer de l’inflation pour « stimuler l’économie ». L’ancienne méthode (pièces et lingots d’or) n’est que peu adaptée à l’évolution du monde qui tend à se numériser.
Une manière d’illustrer cet enjeu avec une analogie du passé serait de comparer les bitcoins auto-hébergés à l’or caché. La connaissance de la clé privée serait analogue à la connaissance de la cachette de l’or. Une image permettant d’illustrer cela serait de comparer la clé privée Bitcoin du XXIe siècle à la carte au trésor des pirates du XVIIe siècle, ci-dessous deux images comparatives :
Les exemples ci-dessus utilisent le format « encre sur papier », mais bien sûr il en existe d’autres (plaque en métal gravée, la mémoire de son cerveau…).
Bitcoin est un or numérique auditable et transférable de manière quasiment instantané par la simple détention d’information, en matière de droit patrimonial et entrepreneurial cela changement beaucoup au niveau anthropologique. En effet, de la sédentarisation à la Renaissance dans la quasi entièreté de l’humanité l’accès à un héritage ou à une fonction était lié à une filiation (le/a fils/fille de, étant de la tribu…), puis de la Renaissance à maintenant le concept de contrat a fini par s’imposer (actionnaire à hauteur de, en CDI avec l’ancienneté…). Or, avec les techniques de chiffrements et d’auto-hébergement nous basculons encore dans autre chose.
Les techniques de chiffrements et d’auto-hébergements s’affranchissent de toute idée de lignée ou de contrat dans le sens ou lorsque l’individu décide de chiffrer ou d’auto-héberger une information (message, clé privée…) il est potentiellement en capacité de s’affranchir des limitations « viscérales » (famille, lignée…) ou réglementaire (contractuelles, légales…). C’est pour cela Bitcoin et d’autres technologies analogues repoussent encore plus loin les frontières de l’individualisme, que ce soit vos proches (famille, amis) ou des institutions légales (banques, Etats…) ils sont incapables de « réguler vos affaires de chiffrement » sans passer par votre consentement ou la force brute. Or passer par la force brute revient à effectuer une action irréversible qui changera radicalement les rapports entre l’individu et l’entité ayant fait preuve de violence, et le long terme cela ne joue que rarement en faveur de cette entité. Pas étonnant dès lors que les régimes autoritaires n’apprécient que peu Bitcoin (et le chiffrement en général).
Utiliser des technologies de chiffrement tels que Bitcoin ou d’autres technologies analogues revient à se doter d’instruments d’individualisation que seule la violence peut contrecarrer, in fine le chiffrement et l’auto-hébergement permettent de « cimenter » les évolutions liées au numérique face à des entités extérieures au numérique (Etats, banques…) qui ont beaucoup de mal à influencer ces changements. Ce n’est pas pour rien que Edward Snowden et Julian Assange ont eu recours à ce genre de technologies.
Or, il se trouve qu’encore aujourd’hui ces outils là se sont simplifiés et démocratisés (formalisme, UX), à tel point que les compétences techniques nécessaires pour les utiliser ne sont guère ne dépassent pas celles nécessaire pour utiliser une adresse mail. Cela veut-il dire que maintenant le tout-venant utilise des technologies de chiffrement et d’auto-hébergement comme Bitcoin ?
Pour une transition adiabatique
En physique une transition adiabatique est une conversion énergétique à entropie nulle [18], c’est-à-dire concrètement qu’il n’y a aucune « énergie de chaleur » générée.
Mis à part les dispositifs fait explicitement pour créer de la chaleur (radiateur), en général en physique dans une conversion d’énergie il est préférable de ne pas créer de chaleur. Par exemple quand vous mettez 1 joule d’essence dans votre voiture vous voulez que ce 1 joule serve à se déplacer et pas que 0,5 joule serve à se déplacer et l’autre 0,5 joule serve à chauffer votre voiture car le moteur a chauffé.
Par analogie, la chaleur (forme d’énergie la plus diffuse donc la moins contrôlable) serait les conflits entre individus (l’énergie cinétique des atomes est forte et ils s’entrechoquent) et l’énergie « efficace » serait la conversion d’un « no-coiner » (individu non initié au Bitcoin ou aux crypto-actifs en général) à Bitcoin (ou crypto bro…). Ainsi, le but est de maximiser les conversions et de minimiser les conflits.
Deux types de stratégies sont envisageables :
– la solution centralisée et administrative : l’Etat par son bras armé qu’est l’Éducation nationale éduque les nouvelles générations au Bitcoin ou aux crypto-actifs. C’est franchement peu probable étant donné que la structure de l’État prend à rebrousse poils la manière dont fonctionne Bitcoin [19]. Dans la pratique, les canaux de diffusions « pré-internet » (télévision, presses papier, radio…) ne sont globalement pas de grands relais de diffusion pour parler ou expliquer Bitcoin. Concernant les « experts » académiques, n’en parlons même pas, le fait qu’ils soient payés par le système fiat de manière directe (fonctionnaires, subventions…) y est peut-être pour quelque chose…
– la solution distribuée et pair à pair : cette solution se décline de diverses manières, les meetup, les conférences, en parler autour de soi, produire du contenu sur internet (tutoriel, formation…)… Cette approche est en phase avec la manière de fonctionner de Bitcoin [19]. D’une manière générale il est possible d’appeler cela la « société civile ».
Cependant les stratégies de type « société civile » souffrent encore de quelques soucis en matière de visibilité et de d’hétérogénéité sociale. Les plateformes d’Internet (YouTube, Twitter…), si elles permettent dans l’ensemble la libre circulation des idées, en revanche les algorithmes de recommandation ne semblent pas spécialement mettre les contenus parlant de Bitcoin en avant. Concernant l’hétérogénéité sociale, que ce soit dans les meetup où les conférences Bitcoin, le public est tendanciellement masculin et à l’aise avec le numérique.
Remarque : Dans les conférences (B-only, Surfin Bitcoin, Paradigme Bitcoin, Bitcoin economic forum…) force est de constater que la proportion de « non-initiés » y est faible… A contrario certaines structures centralisées (l’église, l’Éducation nationale…) avaient au moins l’avantage de garantir un « minimum syndical d’accompagnement » pour tout le monde et notamment ceux qui en avaient le plus besoin. À titre personnel le seul moment où je peux partager des connaissances à des gens qui ne sont ni mes proches ni proche de moi par leur catégorie socio-professionnelle, c’est le covoiturage. Ce service pair à pair organisé par une plateforme numérique permet de « sortir de son environnement social » le temps d’un trajet en voiture, même s’il est rare d’être avec des « queues de distribution » en matière de patrimoine (dans un sens comme dans l’autre), néanmoins cela arrive. L’institution centralisée qu’était l’armée avec le service militaire avait elle aussi indirectement cette vocation de brasser les catégories sociales.
Mais faut-il vraiment y remédier ou simplement se préparer à dire « je te l’avais bien dit », « have fun staying poor », « tu l’as acheté au prix où tu l’as compris » ?
Si dans une discussion pair à pair ce type de réponse marche très bien et peuvent même se montrer particulièrement jouissives, il n’est pas certain que cette solution « passe à l’échelle » car l’histoire a montré que compter sur l’honnêteté intellectuelle et la bonne foi d’une partie de la population qui se sent l’aisée par rapport à une autre n’est que rarement un bon calcul. Certains de nos détracteurs nous traitent comme des pestiférés ayant commis tous les crimes du monde, une minorité trop différente pour faire partie de la société en plus d’avoir un rapport particulier avec l’argent, cela ne vous rappelle rien ?
Une autre manière d’illustrer ce problème lié à un changement de paradigme est la transition d’une société de lignée à une société de contrat. En France, si la révolution de 1789 entame cette transition, ce n’est qu’au milieu du XXe que celle-ci est pleine et entière (constitution, suffrage universel…) après deux empires, deux restaurations et trois républiques… Ce temps de transition est en grande partie dû à des questions d’alphabétisation de la population et de développement de la presse.
Une manière de sortir par le haut de ce genre de situation serait de se montrer particulièrement ouvert, initiateur, sympa… Afin d’éviter d’être perçu comme cupide, pollueur ou que je ne sais pas quel nouvel artifice mensonger inventé ex nihilo par nos détracteurs.
Reste que l’une des principales barrières à cela est l’hétérogénéité sociale, comment atteindre des gens en dehors de notre « bulle de filtre social » ?
La propagande par autocollant ou graffiti, permet d’éviter les bulles de filtres numériques étant donné qu’il est question de messages dans le monde physique, ci-dessous deux exemples :
Afin d’augmenter l’efficacité de ce genre d’action utiliser des données cartographiques peut s’avérer utile, par exemple la carte des revenus disponibles (consommation et/ou épargne) nous permet de savoir qui est en mesure de « stacker du sat » et la carte de la part des 65 ans et plus nous permet de savoir qui sera peu enclin à s’auto-héberger. Si en général la richesse est corrélée à l’âge (plus l’on vieillit plus on accumule…), il est néanmoins possible d’optimiser la recherche afin de trouver des gens en mesure d’épargner qui sont jeunes (jeunes actifs « aisés », héritiers, rentiers…), encore un truc qui va plaire à la gauche…
Cela dit, il est possible avec les mêmes faits d’avoir l’interprétation inverse, les populations ne correspondant pas à ces critères n’étant probablement pas encore tombés dans le terrier du lapin représentent une plus grande marge de progression dans l’adoption de Bitcoin. Ci-dessous les cartes correspondantes pour le bassin parisien, la ville française pour laquelle nous avons le plus de données, les cercles bleus en pointillés entourent les zones ayant à la fois un revenu disponible conséquent mais aussi une part des 65 ans plus basse :
Quatre zones semblent optimales :
– Issy-les-Moulineaux et le sud de 15ème arrondissement (Sud-Ouest de Paris).
– Les arrondissements 1,2,3,4,8 et 9, cependant les arrondissements 1 et 8 étant des lieux hautement touristiques (les Champs-Élysées, l’Arc de Triomphe…) la pertinence de cette zone est à relativiser.
– La frontière entre les arrondissements 12 et 13.
– Les Hauts-de-Seine moins Neuilly-Sur-Seine.
Remarque : Il est aussi possible de ne prendre en compte que la carte liée à l’âge étant donné que l’épargne en Bitcoin n’a pas de plancher (il est possible d’acheter l’équivalent de un euro en fraction de bitcoin).
Des sites tels que https://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/outils/cartographie-interactive/#view=map59&c=indicator permettent d’avoir beaucoup de données pertinentes pour ce genre de recherches.
Une autre stratégie serait de faire la promotion de Bitcoin à des groupes ayant un usage monétaire en phase avec certains aspects de Bitcoin, notamment des frugaux, des autonomistes ou des survivalistes. A contrario, en première approximation faire la promotion de Bitcoin à des personnes subventionnées par l’argent fiat paraît quelque peu contre nature.
Franck Lepage, avec ses conférences gesticulées [22], est une personnalité ayant incarné de manière « concrète » et « multiforme » ce mouvement distribué et pair à pair de la société civile. Plutôt ironique lorsque l’on sait qu’il a été élevé étant petit dans des mouvances marxisto-maoïstes lesquelles prônent une centralisation extrême…
Peut-être que des conférences gesticulées de Bitcoiners maximaliste (ou altcoiners) pourraient s’avérer utiles, d’un autre côté beaucoup de contenu vidéo (conférences, entretiens…) sont déjà des formes de conférences gesticulées.
Une forme de rhétorique pascalienne (introduire un germe d’idée dans la tête d’autrui [23]) à travers des récits et fictions pourrait être pertinente.
Enfin, comme l’avait brillamment rappelé Benoît Huguet ou Rogzy, la manière la plus efficace de créer de l’intérêt envers Bitcoin chez les gens est de leur en envoyer. Cela est devenu d’autant plus facile que de nos jours avec le réseau Lightning et des portefeuilles « clés en main » tels que WalletOfSatoshi ou Phoenix, les coûts d’initiation (installation de portefeuille) et de transfert (peu de frais) sont accessibles pour de petits montants. Ainsi cette stratégie est devenue plus optimale à mesure que les barrières de difficultés se sont abaissées, peut-être que ce sera de l’habitude que viendra la conviction.
Glossaire :
Auto-hébergement : ici il est question d’avoir chez soi un dispositif (ordinateur, raspberry pi…) permettant de créer soi-même ses propres services numériques tels le VPN, NAS (stockage cloud), nœud Bitcoin/Lightning/Monero… Ci-dessous un photo de ce à quoi cela peut ressembler :
Clés de chiffrement : il s’agit d’une suite de caractères générés de telle manière qu’il est dans la pratique impossible pour un attaquant (hacker ou État) de la retrouver sans vous l’extorquer. Si en général les clés sont générées informatiquement (avec un ordinateur), il est néanmoins possible, même si cela prend du temps, de les générer avec des dés [24,25]. Par exemple une clé privée avec la norme BIP32 peut ressembler à cela :
xprv9s21ZrQH143K2SA65yRZxU4oov1C6FSK26GwxjkvyceYEobVo37LbCPZiDTvP3d9ndpiLR5HeZEGHcgHm9RjHLrbpbEqM3hUKWrBv3wnHpG
Les 12 mots (Mnemonic) correspondant avec la norme BIP39 sont : vocal wish game soccer aerobic travel neck fresh river venture weather vessel
Si ces concepts existaient bien avant Bitcoin et étaient également utilisés avant sa création, néanmoins l’émergence de Bitcoin a participé à la vulgarisation et la démocratisation de ces concepts. Vous pouvez faire des tests avec ces sites :
– https://allprivatekeys.com/mnemonic-code-converter
– http://bip32.org/
– https://iancoleman.io/bip39/
– https://www.bitaddress.org/
Annexe 1
Ci-dessous une adaptation des solidarités de Durkheim [1] mais mise à jours avec les enjeux actuels liés numérique :
Solidarité d’entreprise | Solidarité numérique | |
Morphologie (structure) | – exécution de tâches liée à une subordination salariale ou une raison sociale. – fonctionnement en pyramide hiérarchique. – dépendant de statuts légaux. – densité plus ou moins fort selon la taille de l’entreprise (PME, multinationale…). – en théorie de haute exigence en matière de résultats (jusqu’à l’assouplissement quantitatif…). | – résolution de tâche/problème ou proposition de solution. – fonctionnement en réseau (communauté autour d’un sujet spécifique). – très indépendant selon son niveau technique. – densité forte sur la toile, mais variable localement en physique. – haute exigence en matière de résultats considérations morales quasi-inexistante. |
Types de normes | – sanctionné par la loi (norme, code du travail…). – sanctions pénales | – sanctionné par la technique (12/24 mots perdus, mauvaise adresse de réception, l’IA a détecté une fraude…). – sanctionné par la violence ou l’espionnage (12 mots pris par torture ou subtilisé) voir des raisons techniques (piratage informatique). |
Formes de consciences collectives | – les valeurs de l’entreprise (charte des valeurs, team building…). – de valeurs morales indexées à celles de l’entreprise. – même si l’entreprise pousse au corporatisme en pratique l’individualisme/carriérisme, collectivisme/corporatisme sont à géométrie variable selon les individus et le conditions de marchés. | – des piliers de valeurs fortes dont l’interprétation est très libre (partage, souveraineté individuelle, maximalisme…). – peu de valeurs morales claires. – l’individualisme et l’initiative personnelle sont favorisés. |
Contenu de la conscience collective | – absence de religiosité directement liée à l’activité, mais la croyance envers l’entreprise (ses valeurs…) peut devenir une forme de foi. – conscience collective orientée vers une exigence de résultat de l’entreprise (croissance, nouveau marchés…). – attaché aux valeurs collectives de l’entreprise, de travail et d’amélioration personnelle et collective. – le collectif concret à travers l’environnement de travail. | – absence de religiosité directement liée à l’activité, mais la croyance envers un protocole ou une pratique (DAO, source libre…) peut devenir une forme de foi. – conscience collective orienté vers des principes de souveraineté individuelle et de vie privé (« don’t trust verify », « open-source everything »…). – attaché aux valeurs individuelles de dignité, d’équité, de travail, d’amélioration personnelle et porté dans le DIY et open-source, permission-less. – le collectif est abstrait et tient sur des objectifs et principes partagé dans la communauté. |
Annexe 2
Ci-dessous la figure 3 ayant un autre modèle d’évolution de la taille des unités de production pour laquelle la quantité de grandes unités de productions baisse mais augmentent en taille (de moins en moins de groupes de plus en plus grands) et pour les petites unités de production la quantité des petites unités de production augmentent mais baisse en taille (de plus en plus de groupes de moins en moins grands) avec une diminution des unités de production de taille « moyennes » :
Si, pour des raisons techniques de coûts d’acquisitions et de fonctionnement, certains biens et services gardent structurellement des tailles d’unités de production grandes (nucléaire, fonderies de micro-électronique…), en revanche d’autres que je citerais pas restent financées par l’État pour des raisons plutôt « mystérieuses »… D’autre part, nous serions tentés de penser qu’à mesure que la société se décentralise, la richesse s’accumulerait chez les derniers « gros points de centralisation » (États, multinationales…), or il est bien connu chez les Bitcoiners que si cela se produit bien en « convention fiat » ce n’est que par des truchements monétaires tels que l’effet Cantillon ou les assouplissements quantitatifs (quantitative easing). Mais cela ne durera pas toujours…
Le script du tracé des courbes en format .m (compatible en Matlab, Octave et convertible en Scilab) :
taille= 1:1000;
fct_taille_1 = (exp(-((taille-300)/500).^2));
fct_taille_2 = (exp(-((taille-600)/500).^2));
figure (1)
graph=plot(taille,fct_taille_1,taille,fct_taille_2)
set(graph, « LineWidth », 5);
fct_taille_3 = (exp(-(((2*taille)-200)/500).^2))+1.2*(exp(-(((0.9*taille)-700)/500).^2));
fct_taille_3 = fct_taille_3/max(fct_taille_3); %% pour normaliser la fonction
fct_taille_4 = (0.9*exp(-(((3*taille)-100)/500).^2))+1.2*(exp(-(((0.75*taille)-650)/500).^2));
fct_taille_4 = fct_taille_4/max(fct_taille_4); %% pour normaliser la fonction
figure (2)
graph=plot(taille,fct_taille_3,taille,fct_taille_4)
set(graph, « LineWidth », 5);
Références
[1] https://en.wikipedia.org/wiki/Mechanical_and_organic_solidarity
[2] https://www.lepoint.fr/debats/immigration-ecologie-comment-reconcilier-anywheres-et-somewheres-25-11-2019-2349488_2.php
[3] https://www.revue-elements.com/aujourdhui-le-fosse-entre-les-anywhere-et-les-somewhere-selon-la-theorie-du-britannique-david-goodhart-semble-infranchissable/
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Archipel_fran%C3%A7ais
[5] https://invidious.protokolla.fi/watch?v=g8dwcfwClB8
[6] https://cpge-carnot.net/all-blogs/public/LDZ/cours_2018-2019/Actualites_2019-2020/Emmanuel_Todd_tacle_l_Insee_et_ravive_la_controverse_sur_la_mesure_de_l_inflation_Alternatives_Economiques.pdf
[7] https://www.bfmtv.com/economie/accusee-de-sous-estimer-l-inflation-l-insee-repond-a-emmanuel-todd_AN-202002080006.html
[8] https://www.lerevenu.com/placements/economie/les-petits-secrets-du-calcul-de-linflation-en-france
[9] https://www.bfmtv.com/economie/mais-comment-l-insee-calcule-l-inflation_AV-201804220089.html
[10] https://www.insee.fr/fr/statistiques/1287328
[11] https://www.insee.fr/fr/statistiques/7658710?geo=FE-1#ancre-DEN_T1
[12] https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_la_France#cite_note-41
[13] https://www.youtube.com/watch?v=ehmyaX0lJew
[14] https://umbrel.com/
[15] https://github.com/getumbrel/umbrel
[16] https://runcitadel.space/
[17] https://github.com/runcitadel/
[18] https://fr.wikipedia.org/wiki/Processus_adiabatique
[19] https://bitcoin.fr/leconomie-des-pyramides-hierarchiques-et-celle-des-reseaux-distribues-ou-les-raisons-profondes-du-desamour-des-elites-envers-bitcoin/
[20] https://fr.wikipedia.org/wiki/Paris#/media/Fichier:Median_income_of_Paris_and_inner_ring_(2018)_named.svg
[21] https://static.data.gouv.fr/images/69/ca9dd51e474af18ba0e70aecb9a656.png
[22] https://fr.wikipedia.org/wiki/Franck_Lepage
[pascal] https://www.youtube.com/watch?v=zvZOeeNghK0
[24] https://www.youtube.com/watch?v=LxTkLwpV1Po
[25] https://www.youtube.com/watch?v=z8b6sLDd158&t=377
propos de l’auteur
Thomas Mang, ancien doctorant au CEA de Grenoble, est ingénieur en Photonique depuis 2017. Passionné par les technologies du numérique (l’impression 3D, Bitcoin), il s’y intéresse non pas à travers le prisme des « sciences dures » mais par les sciences humaines : l’histoire ou l’anthropologie.
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