Traduction d’un article de Shinobi publié dans Bitcoin Magazine le 1er août 2024. Bitcoin a connu une croissance énorme au cours des quinze dernières années depuis sa création, et cela s’est accompagné de nombreux changements dans la culture de l’écosystème global, ainsi que dans les petites communautés qui le composent. Il fallait évidemment s’y attendre, car le réseau est passé d’une petite niche dans un coin d’Internet à un phénomène mondial qui est désormais en train de devenir un fait politique sérieux dans le monde entier. Le Bitcoin n’est plus un petit truc de niche ni un jouet de nerd autiste, c’est un actif économique mondial et un réseau monétaire qui transfère des milliards de dollars dans le monde entier chaque jour.
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Traduction d’un article de Shinobi publié dans Bitcoin Magazine le 1er août 2024.
Bitcoin a connu une croissance énorme au cours des quinze dernières années depuis sa création, et cela s’est accompagné de nombreux changements dans la culture de l’écosystème global, ainsi que dans les petites communautés qui le composent. Il fallait évidemment s’y attendre, car le réseau est passé d’une petite niche dans un coin d’Internet à un phénomène mondial qui est désormais en train de devenir un fait politique sérieux dans le monde entier.
Le Bitcoin n’est plus un petit truc de niche ni un jouet de nerd autiste, c’est un actif économique mondial et un réseau monétaire qui transfère des milliards de dollars dans le monde entier chaque jour. Les choses se sont évidemment transformées au cours de ce processus de croissance et je pense que ce changement a eu des conséquences négatives considérables.
Le Bitcoin a toujours été perçu comme un système libertarien ou de droite. Certains des premiers adeptes et des premières communautés qui se sont formés autour du Bitcoin revendiquaient effectivement une philosophie libertarienne, et cela a du sens lorsqu’on examine Bitcoin d’un point de vue théorique : le libertarianisme met ostensiblement en avant la liberté et l’indépendance des individus. Pourtant ce n’était la seule philosophie présente au début de l’histoire de Bitcoin.
De nombreuses personnes ont adopté le Bitcoin par le biais de mouvements de gauche tels qu’Occupy Wall Street, un mouvement de protestation à grande échelle né en réponse à la grande crise financière qui a précédé la naissance de Bitcoin. Eux aussi ont vu la nécessité de désintermédier les banques dans l’économie mondiale à la suite des conséquences désastreuses résultant des paris irresponsables et imprudents réalisés avec l’épargne et les investissements des citoyens ordinaires dans le cadre de la gestion de l’économie. Eux aussi ont vu la nécessité de retirer le contrôle de cette économie des mains des gouvernements qui l’ont déréglementée de manière sélective pour favoriser ces paris.
Ces deux groupes sont venus ici pour les mêmes raisons : la désintermédiation. L’élimination des méga-banques et des gouvernements en tant qu’intermédiaires impliqués dans toutes les transactions financières, voire dans le fonctionnement de l’économie mondiale dans son ensemble. Mais dans l’imaginaire culturel collectif, seul le libertarianisme, l’aile droite du spectre politique, a été associé à Bitcoin […].
Bitcoin a été conçu pour être un système ouvert et désintermédié, où tout le monde peut en faire usage. Je ne parle pas d’un point de vue technologique, les personnes qui lisent ceci comprennent parfaitement qu’au niveau technologique, Bitcoin nécessite des contraintes afin de maintenir la décentralisation qui lui donne sa valeur, et que compromettre ces contraintes est un coup fatal. Je parle d’un point de vue philosophique.
Sur le plan technique, faire évoluer Bitcoin pour qu’il soit ouvert au plus grand nombre de personnes possible est un défi permanent, et le restera dans un avenir proche, voire pour toujours. Ce sont des contraintes imposées par la nature de la technologie.
Sur le plan humain et personnel, Bitcoin ne requiert aucune contrainte. Il s’agit d’un système de consensus volontaire ouvert, dont la nature et la fonction sont entièrement définies par ce consensus volontaire créé par les interactions volontaires de tous ses utilisateurs et participants. Or les actions d’une grande partie de la communauté active, du moins en ligne, sont en totale contradiction avec les principes du libertarianisme : liberté et interaction volontaire. De nombreux Bitcoiners de droite ou libertariens encouragent l’exact opposé de cela, ils intimident et veulent imposer leur vision du monde.
Leurs actions témoignent d’un certain conformisme et d’une certaine pression pour agir d’une certaine manière ou croire certaines choses, plutôt que d’un respect pour les choix et les croyances individuelles qui diffèrent des leurs. Ils tentent de faire passer l’idée qu’être un Bitcoiner, ou tout simplement être impliqué dans Bitcoin, équivaut à adhérer à leurs croyances et à leur vision du monde. Ils se livrent constamment à des campagnes qui dans de nombreux cas frisent le harcèlement, pour essayer de faire respecter cette équivalence entre leur vision du monde et « être un Bitcoiner ».
Bien que je ne pense pas que ce soit en réalité l’attitude dominante des gens dans cet espace, elle est certainement prédominante dans certaines sous-communautés et constitue très certainement l’attitude dominante perçue en public sur les plateformes Internet. Et elle est en totale contradiction avec les croyances prônées par le libertarianisme : la liberté et le respect des choix individuels.
Le seul endroit où je vois réellement les actions, et non les paroles, des individus refléter de telles croyances est (je suis sûr que cela sera ironique pour certains lecteurs) la gauche. Les Bitcoiners « progressistes » et de gauche semblent être les seules personnes prêtes à s’engager de manière significative avec des personnes qui pensent ou voient le monde de manière radicalement différente sans avoir recours à la dénonciation ou à la pression pour que les gens adoptent leur propre vision du monde. Ce sont les personnes qui s’efforcent d’ouvrir la voie à l’adoption de Bitcoin pour des personnes d’opinions et d’horizons divers, ayant des besoins différents, et qui essaient de faire en sorte que Bitcoin puisse aider le plus grand nombre de personnes possible.
En revanche, les Bitcoiners de droite ont tendance à vouloir humilier, à attaquer et à décourager les personnes qui ont une vision du monde différente de la leur. Ils se moquent généralement des tentatives visant à répondre aux besoins ou aux problèmes de ces personnes avec Bitcoin avec l’idée que « Bitcoin n’est pas pour tout le monde » ou que « les pauvres n’utiliseront jamais réellement Bitcoin de manière autonome ».
On fait généralement appel à des arguments techniques, mais la grande majorité des personnes qui avancent ce genre d’arguments n’articulent généralement pas de raisonnement technique cohérent. Elles font appel à la peur et à l’incertitude pour étayer leurs arguments, plutôt que de soulever des préoccupations techniques cohérentes et articulées.
Certains de ces gens se drapent dans l’illusion d’être puissants, riches et influents. Ils se disent que parce qu’ils ont été « assez intelligents » pour acheter des bitcoins très tôt, ils méritent une telle position dans le monde, et que d’autres qui ne l’ont pas été ne le méritent pas […].
Lorsque des solutions de garde collective sont évoquées, comme des systèmes basés sur Lightning, qui peuvent être exploités de manière efficiente dans des région comme l’Afrique, elles sont tournées en dérision. Elles sont décrites comme des escroqueries en devenir ou des solutions totalement impraticables, tandis que dans le même temps, les critiques se pavanent comme si Bitcoin allait gagner comme par magie. Comme s’il n’y avait aucun problème à résoudre pour le rendre plus largement accessible.
Certains partisans de Bitcoin ont pour la plupart complètement perdu de vue l’objectif initial du système : désintermédier la vie financière des gens. Ils applaudissent l’influence de Wall Street, les complaisances des politiciens et l’institutionnalisation croissante de l’ensemble du système.
« Nous allons prendre notre place à la table maintenant, ne perturbons pas le repas ! »
Ils ne se soucient plus d’élever les gens dans leur ensemble, ni de garantir à chacun la liberté d’expérimenter et de vivre sa vie comme il le souhaite, de structurer ses communautés et ses sociétés comme il le souhaite, sur la base d’un système neutre et désintermédié. Ils prônent la conformité, l’homogénéité, l’obéissance à leur vision du monde. Ils considèrent le Bitcoin comme un moyen de plier le monde à leurs croyances, à leur volonté, à leur mode de vie. Il n’est plus considéré comme un cadre d’expérimentation et de différenciation.
Ce sont les progressistes, les gauchistes, ceux qui sont arrivés par des chemins comme Occupy Wall Street, qui semblent toujours se soucier de faire en sorte que Bitcoin soit le plus possible pour tout le monde. Il est temps que cela soit reconnu et que les gens ignorent la pression parasitaire qui les pousse à se conformer.
Pour les nerds qui comprendront la référence, la diversité infinie dans des combinaisons infinies [2]. C’est ce que Bitcoin devrait être.
Source : https://bitcoinmagazine.com/culture/occupy-bitcoin-bitcoin-is-not-just-libertarian
[1] En 2011, Occupy Wall Street (OWS) fut un mouvement de manifestation de contestation pacifique dénonçant les dérives du capitalisme financier.
[2] « Infinite Diversity in Infinite Combinations », allusion à la philosophie vulcaine dans la série Star Trek.