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Bitcoin et l’Ethique

Summary:
Un protocole informatique, se doit-il d’être éthique ? Peut-il l’être ? Une monnaie, se doit-elle d’être éthique ? Peut-elle l’être ? Et d’ailleurs, à quel moment une monnaie devient-elle éthique ? On peut penser qu’une monnaie peut être éthique en prenant pour exemple des projets de monnaies locales, aussi appelées des monnaies complémentaires. On dit d’une monnaie qu’elle est éthique, par exemple, lorsque les fonds sont placés dans une banque éthique, une banque qui soutiendra des projets s’inscrivant dans l’esprit d’une charte dite éthique (1). Ce qui ressort de cet état de fait, c’est que l’action de la banque étant éthique, la monnaie utilisée pour le projet obtient ce caractère éthique en héritage. Si les valeurs et

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Edwige Morency considers the following as important:

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Un protocole informatique, se doit-il d’être éthique ? Peut-il l’être ?

Une monnaie, se doit-elle d’être éthique ? Peut-elle l’être ?

Et d’ailleurs, à quel moment une monnaie devient-elle éthique ?

On peut penser qu’une monnaie peut être éthique en prenant pour exemple des projets de monnaies locales, aussi appelées des monnaies complémentaires. On dit d’une monnaie qu’elle est éthique, par exemple, lorsque les fonds sont placés dans une banque éthique, une banque qui soutiendra des projets s’inscrivant dans l’esprit d’une charte dite éthique (1).

Ce qui ressort de cet état de fait, c’est que l’action de la banque étant éthique, la monnaie utilisée pour le projet obtient ce caractère éthique en héritage.

Si les valeurs et les actions de cette banque venaient à changer, alors la monnaie changerait aussi et ne serait plus assurément éthique.

Lorsque l’on choisit d’utiliser une monnaie en portant un jugement moral, on s’en remet à des tiers de confiance dont on attend d’eux qu’ils restent toujours intègres.

C’est tout à fait louable et dans un monde idéal voire utopique, cela serait sûrement le modèle de monnaie le plus enviable.

Mais si ce monde existait, Bitcoin n’existerait pas et n’aurait pas lieu d’exister.

J’aime à penser que la grande majorité des monnaies qui ont existé sont nées avec une certaine forme d’éthique, dans le sens où elles avaient pour vocation de rendre les échanges commerciaux plus simples et d’aider au développement économique de leurs utilisateurs.

Émettre une monnaie apporte un certain pouvoir, d’autant plus quand cette monnaie à cours légal. L’émetteur de la monnaie a le pouvoir de contrôle économique et politique. C’est bien pour cela qu’une monnaie complémentaire est dite « éthique », car la banque utilise son pouvoir de contrôle sur le choix des projets à financer. Cependant, ce pouvoir est corruptible et son action aussi. « Éthique » pour certains peut être « inéquitable » pour d’autres. Plusieurs grandes banques se considèrent comme éthiques (2).

Bitcoin est né d’une volonté particulière, celle de créer une monnaie où la confiance ne serait pas requise (3). La confiance en un tiers, comme une banque, ses décideurs ou ses membres, n’entrerait pas en ligne de compte sur le fonctionnement même de la monnaie.

Seul un algorithme pouvait permettre l’existence d’une telle monnaie.

Je pense que Satoshi Nakamoto n’a pas fait l’erreur d’intégrer l’éthique dans son protocole, car comme tout protocole informatique, celui-ci reste un outil de base, un instrument monétaire. Il peut être utilisé pour des actions justes, éthiques, ou non. Utiliser une caméra pour figer des souvenirs qui nous sont chers ou pour espionner, ficher biométriquement les citoyens, sont deux usages d’un même outil. Cet outil est-il éthique ?

Utiliser la monnaie comme un outil éthique c’est possible. On en a parlé précédemment. Mais la monnaie peut-elle être fondamentalement éthique en tout temps, quel que soit l’usage qui en est fait après son émission ?

On pourrait être tenté de penser que Bitcoin n’est pas éthique dans son modèle de fonctionnement, en se disant : « il reste matérialiste et opportuniste. Il porte une valeur en tant que support qui n’est pas liée à sa capacité d’échange entre les hommes (finalement le travers de la monnaie fiduciaire en plus libéral). La monnaie n’est pas neutre éthiquement et Bitcoin a fait ses choix. […] que les premiers arrivés sont les mieux servis dans le système Bitcoin, ce qui est parfaitement injuste pour les prochaines générations. Et qui peut croire encore que ce ne sont pas les 1000 plus gros possesseurs qui font la pluie et le beau temps sur le cours… sans parler du jour où un État décidera de s’y mettre ? » (4)

Je pense que le protocole Bitcoin et sa monnaie ont, en effet, été créés dans un certain esprit matérialiste, dans le sens où son possesseur est attaché à la valeur que Bitcoin représente. Exactement comme un salarié est attaché à la valeur de son travail par une forme de reconnaissance. Et c’est d’ailleurs pour cela que l’employeur lui transmet une reconnaissance de dette bancaire sous la forme d’un salaire.

Le protocole Bitcoin soutient une monnaie éponyme qui va représenter une certaine valeur lorsque l’on en fait l’acquisition. Cela peut représenter le fruit de la vente d’un bien ou d’un service. Cette monnaie acquise à grand ou petit frais va représenter une part du patrimoine de l’acquéreur. En tant que propriétaire de son patrimoine, on aimerait que celui-ci ne perde pas de sa valeur. On aimerait pouvoir se dire que l’on pourra en profiter plus tard, pour sa retraite, peut-être même le transmettre à ses enfants ou en faire profiter une cause qui nous tient à cœur comme une œuvre caritative. Le fait que Bitcoin soit conçu de façon matérialiste n’est pas une tare en soit, bien au contraire, c’est un outil mathématique qui contribue à son intégrité et sa sécurisation (Théorie des jeux appliquée à la micro-économie) (5). La rareté d’un objet ne fait pas systématiquement de lui un objet de valeur. Mais si cet objet est rare et suscite de l’intérêt, alors oui, sa valorisation augmente. Les dessins des enfants sont en quelque sorte uniques, et pourtant ils n’ont de valeur que pour ceux qui les font ou les reçoivent (éventuellement).

Je pense effectivement que le protocole Bitcoin peut être considéré comme opportuniste dans le sens de l’anglicisme biologique, où celui-ci « manifeste sa virulence sur des organismes aux défenses immunitaires affaiblies » comme le système financier de notre époque.

On peut aussi le considérer comme opportuniste dans le sens où il suscite l’intérêt des opportunistes qui ont une « conduite qui consiste à tirer le meilleur parti des circonstances, parfois en le faisant à l’encontre des principes moraux » (6). Le fait de « tirer le meilleur parti des circonstances » est tout naturel et n’a rien de mauvais en soit. Depuis la nuit des temps, les êtres qui peuplent notre planète le sont. Si l’on nous donne une opportunité, la saisissons-nous ? Cela dépend de notre morale personnelle. Lorsque l’on vous propose un poste de rêve, qui vous correspond, et très bien payé ? êtes-vous opportuniste si vous l’acceptez ? Littéralement oui. Lorsqu’une personne âgée attend au passage piéton, certains ont l’opportunité de faire une bonne action en aidant cette personne à traverser, d’autres y voient l’opportunité de partir avec le porte-monnaie de cette même personne. L’opportunisme n’est pas une bonne ou une mauvaise conduite, c’est l’action qui en découle qui peut l’être.

« Il porte une valeur en tant que support qui n’est pas liée à sa capacité d’échange entre les hommes (finalement le travers de la monnaie fiduciaire en plus libéral). »

Pour moi, cette affirmation est un peu confuse. La valeur d’une monnaie fiduciaire est liée à la capacité de remboursement d’une reconnaissance de dette. Cette valeur est liée à la confiance que l’on accorde à des tiers.

L’or aussi porte une valeur liée à ses caractéristiques, physiques, chimiques, sa rareté, mais limitée par d’autres, comme le poids, le volume, donc la transportabilité, les risques de vol, … C’est d’ailleurs pour cela que les ancêtres de nos monnaies fiduciaires, anciennement basées sur l’or, devaient résoudre les problèmes liés à ces limitations. Mais des problèmes résiduels et pas des moindres n’avaient pas trouvé de solution, comme celui de devoir faire confiance à des tiers pour stocker et émettre la monnaie. Avec le temps, ces problèmes se sont multipliés (évolutions technologiques, mondialisation) et d’autres se sont creusés, au point de devenir des problématiques systémiques, comme la nécessité de faire confiance à des tiers.

Je dirais donc que le support monétaire Bitcoin en tant que protocole informatique, mais aussi en tant que monnaie, porte une valeur. Cette valeur n’est pas liée uniquement à sa capacité d’échange mais aussi à ses caractéristiques mathématiques, informatiques, de rareté, d’accessibilité, de transportabilité, de limitation du risque de vol ou de détournement, mais surtout de l’absence de nécessité de faire confiance à un tiers centralisé pour fonctionner. Toutes ces caractéristiques en font un outil et un bien unique, tout en étant universel qui à mon humble avis est loin de valoir ce qu’il devrait.

« La monnaie n’est pas neutre éthiquement et Bitcoin a fait ses choix. » En effet, et les choix faits pour Bitcoin en font la monnaie la plus neutre qui soit. Grâce à Bitcoin et même aux cryptomonnaies dans leur ensemble, il est maintenant possible de créer des banques « éthiques », plus transparentes et plus participatives dans leurs modèles de fonctionnement.

« que les premiers arrivés sont les mieux servis dans le système Bitcoin, ce qui est parfaitement injuste pour les prochaines générations. Et qui peut croire encore que ce ne sont pas les 1000 plus gros possesseurs qui font la pluie et le beau temps sur le cours… sans parler du jour où un État décidera de s’y mettre ? ».

Certes, ceux qui ont fait l’acquisition de bitcoins les premiers, l’ont acheté en général beaucoup moins cher que ceux qui en achètent plus tardivement, comme d’autres biens utilisés comme valeurs refuge (les objets de collection). Bitcoin obtient sa valeur au prix qu’on veut bien vous le vendre, car il n’est pas possible d’en fabriquer des faux. C’est l’offre et la demande qui déterminent le prix. Ça peut paraitre injuste pour les néo-acquisiteurs de bitcoins, ou non. Mais c’est aussi pour cela que l’on adhère à cette monnaie. Car on pense que la valeur chèrement acquise ne baissera pas sur le long terme et que son capital restera protégé dans le temps. (« chèrement acquise » car même quand il était à 500€ et ensuite 1000€, c’était toujours trop cher pour mes amis qui attendaient que le prix baisse.) Si une monnaie ne prend pas de valeur alors elle en perd. C’est le choix des monnaies fiduciaires de perdre de leur valeur dans le temps et de finir par appauvrir celui qui en possède s’il n’en gagne pas plus en permanence. C’est effectivement une autre vision de la monnaie qui peut avoir ses détracteurs.

Je pense que le cours du bitcoin finira par se lisser avec le temps. Aujourd’hui si son cours est relativement bas, c’est lié à son adoption encore très faible due à des législations peu adaptées voire répressives envers ce « nouveau » venu dans la sphère monétaire. En tant que valeur refuge, chacun peut en acquérir quand il le souhaite au cours du jour. Les générations futures aussi, même si elles en auront moins pour la même quantité de monnaie fiduciaire. Mais cela sera aussi dû à la dévalorisation de la monnaie fiduciaire. Bitcoin ne garantit pas de devenir riche. Bitcoin fournit un moyen de convertir une certaine valeur en monnaie cryptographique possédant certaines propriétés pour vous apporter certaines garanties de sécurité, d’intégrité ainsi qu’une certaine rareté pour protéger une part de votre patrimoine de la dévalorisation.

Si vous transformez une énergie ou un travail en argent qui ne perd pas de valeur, vous ne spoliez personne. Dès lors que la valeur de votre patrimoine ne baisse pas, vous pourrez la transmettre aux prochaines générations ou la revendre.

Ce qui pourrait éventuellement sembler être injuste, ce serait le cas où une banque centrale se mettrait à créer de la monnaie fiduciaire pour acheter une grande quantité de Bitcoin. Mais les caractéristiques anti-fragiles de Bitcoin rendraient cette action nulle. Cela ferait baisser le cours de la monnaie fiduciaire et augmenter le prix du BTC. Peut-être sur le court terme, mais sur le long terme, je ne pense donc pas que « les 1000 plus gros possesseurs fassent la pluie et le beau temps sur le cours », peut-être à la baisse mais pas à l’augmentation du cours. Pour l’augmentation ça serait plutôt les nouveaux entrants.

Bitcoin étant un protocole informatique ouvert et libre, il se doit d’être le plus fiable possible afin de protéger ses utilisateurs.

Bitcoin étant aussi une monnaie, il se doit d’être neutre, apolitique tout en protégeant le plus possible ses utilisateurs d’une éventuelle inflation et en ne perdant pas sa valeur dans le temps.

L’éthique est une discipline philosophique portant sur les jugements moraux. L’éthique est une affaire humaine, laissons cette composante aux êtres humains qui adopteront cette monnaie.


Sources :

(1) www.colibris-lemouvement.org/passer-a-laction/creer-son-projet/creer-une-monnaie-locale

(2) reassurez-moi.fr/guide/banque/ethique

(3) journalducoin.com/analyses-dossiers/au-commencement-satoshi-nakamoto-bitcoin/

(4) Commentaire d’Alex du 24/08/2020 : https://bitcoin.fr/la-blockchain-pour-ne-pas-parler-dune-revolution-monetaire/

(5) fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_des_jeux

(6) fr.wikipedia.org/wiki/Opportunisme


Bitcoin et l’Ethique

A propos de l’auteur

Edwige Morency, architecte systèmes et réseaux, est spécialisé dans les blockchains et les cryptomonnaies.

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